Le monde du luxe la passionnait. A 27 ans, elle en avait fait sa profession. Vy-Anh était commerciale, dans les cosmétiques. Lundi, son destin a basculé. A 15 h 54, station Etienne-Marcel sur la ligne 4, en direction de la Porte-de-Clignancourt. La jeune femme remonte les marches depuis le quai. Elle ne peut voir l’homme qui arrive en courant derrière elle, avec sa veste à carreaux. Il vient de tenter d’arracher un téléphone portable, un iPhone, à une voyageuse de la rame, au moment où les portes s’ouvraient. Cette dernière chute sur le quai tandis que son agresseur prend la fuite. Déjà, il remonte à toute vitesse les escaliers vers les guichets. C’est là qu’il écarte violemment Vy-Anh.
« Très douce et très gentille »
« Il l’a bousculée volontairement parce qu’elle l’empêchait de passer, affirme un policier. C’était très violent. Elle est tombée à la renverse » Vy-Anh se trouve au milieu de l’escalier, elle chute lourdement et roule sur une demi-douzaine de marches. Sa tête heurte l’une d’elle. Vy-Anh est alors prise de convulsions, en bas des escaliers. Les pompiers la prennent en charge alors qu’elle est « semi-consciente » et l’emmènent au CHU Henri-Mondor de Créteil, où elle est admise en neurologie, dans le coma. Impuissants, les médecins prononcent son décès à 21 heures.
Vy-Anh habitait avec ses parents et sa sœur aînée, dans un petit pavillon de la Croix-de-Berny, à Antony, au sud de Paris. Dans sa rue, à quelques encablures du parc de Sceaux, la jeune femme était très appréciée. Damien parle d’une voisine « vraiment très douce et très gentille ». « On est arrivé dans le quartier il y a peu de temps. Alors, pour faire connaissance, elle nous avait proposé de venir manger chez eux », raconte-t-il. Le quartier respire la tranquillité, les arbres côtoient les parterres de fleurs, les enfants jouent au football dans la rue, loin de l’agitation du métro parisien.
Bachelière à 15 ans
Vy-Anh, d’origine vietnamienne, était une élève brillante. Elle avait décroché son bac, section économique et sociale, à seulement 15 ans. Puis elle était entrée dans une école de commerce dont elle était sortie diplômée quatre ans plus tard. Elle a travaillé comme attachée de presse puis pour les cosmétiques Bourjois, et en 2008, pendant un an, dans une importante société de parfums, située avenue Victor-Hugo à Paris.
« Son père est arrivé en France en 1963, pour faire ses études, raconte son oncle paternel. Aujourd’hui, il est pharmacien à Vitry-sur-Seine. Sa sœur travaille aussi dans une autre pharmacie de la banlieue parisienne. Quant à sa maman, elle est mère au foyer, elle s’est occupée de ses filles. »
Sa tante n’en revient toujours pas du drame de la station Etienne-Marcel. « C’est très violent. On était là, dimanche dernier. On avait mangé avec elle et sa famille. Mais quarante-huit heures après, on se demande ce qui a pu se passer », confie-t-elle, des sanglots dans la voix, les yeux rougis par l’émotion. « La famille prépare les funérailles de Vy-Anh et attend des parents qui viennent pour l’occasion d’Australie et des Etats-Unis. »
Veste à carreaux
Depuis lundi, une véritable chasse à l’homme est lancée pour retrouver l’homme à la veste à carreaux. La brigade des réseaux ferrés (BRF) a saisi les enregistrements des caméras de surveillance sur le quai et dans les couloirs de la station. En plus de ces images, un témoin a pris des photos avec son téléphone.
Ironie tragique, il y a seulement quelques semaines, la Préfecture de Police a lancé une campagne de prévention contre les vols de téléphones portables. Elle distribue même un dépliant en forme de téléphone qui prévient en français, anglais, allemand, chinois et japonais : « Votre téléphone est précieux, il peut faire des envieux. Nous vous conseillons d’être vigilants si vous l’utilisez en public. » En 2010, la police a enregistré une explosion des vols de portables dans le métro. Ainsi, début décembre, la Préfecture indiquait : « Plus de 50 % des objets volés dans les transports en commun, au cours du mois d’octobre, ont été des smartphones ». « Les plus convoités sont les iPhone 3 et 4 de dernière génération », indiquent les enquêteurs de la brigade des réseaux ferrés.
« Dans notre jargon nous appelons ça des arrachages. Les voleurs, souvent des mineurs, repèrent les marques de téléphones, parfois à partir des écouteurs. L’occasion fait le larron, mais une personne fluette est bien sûr plus exposée que celui qui mesure 1,90 m et pèse 120 kg. A Etienne-Marcel, le voleur était seul, mais généralement ils agissent en bande. Quand ils sont seuls, c’est plus violent… » Ces smartphones si prisés sont revendus sous le manteau, au tiers du prix c’est-à-dire environ 200 €. Un butin dérisoire, en comparaison du drame provoqué.